Le legs d’une chose indivise est valide. Il est donc possible de léguer un bien dépendant d’une indivision post-communautaire.
Toutefois, l’efficacité de la transmission testamentaire est subordonnée aux effets du partage, à moins que les juges du fond interprètent la volonté du testateur comme imposant à ses héritiers de procurer au légataire la propriété entière du bien.
Certes, le disposant n’est pas l’unique propriétaire du bien ; mais on ne saurait prétendre qu’il ne possède aucun droit sur l’objet légué.
Cass. 1re civ., 6 mars 2024, n° 22-13.766 : JurisData n° 2024-002827
« Pour prononcer la nullité du testament olographe daté du 13 décembre 2015, l’arrêt énonce que les dispositions de l’article 2021 du Code civil permettent d’inclure dans un testament les biens dont on a la propriété et la libre disposition et non ceux dépendant de la communauté dissoute, mais non encore partagée, ayant existé entre le testateur et son conjoint prédécédé. Il relève que les biens immobiliers objets du legs litigieux avaient été acquis par [I] [P] et son épouse, [N] [P], décédée le 16 février 2015, qu’ils dépendaient donc de la communauté de biens ayant existé entre le testateur et son épouse et que les opérations de liquidation de la communauté et de la succession de cette dernière n’étaient pas réglées avant l’établissement du testament litigieux. Il en déduit que [I] [P] n’avait pas le pouvoir de disposer seul de ces biens, qu’il détenait en indivision avec ses enfants, déjà saisis comme héritiers de leur mère prédécédée.
- En statuant ainsi, alors que la chose indivise n’est pas la chose d’autrui, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »
En l’espèce, les legs litigieux concernaient des biens immobiliers qui dépendaient d’une indivision post-communautaire. Les juges du fond avaient estimé que, faute de « liquidation de la communauté et de la succession » de l’épouse prédécédée, le conjoint survivant « n’avait pas le pouvoir de disposer seul de ces biens, qu’il détenait en indivision avec ses enfants ».
Si la validité du legs d’une chose appartenant à une indivision, même post-communautaire, n’est pas contestable, il convient, sur le terrain de la réalisation de l’acte libéral, de distinguer deux situations :
- un indivisaire est naturellement en droit de léguer sa quote-part sur le bien. Le légataire se trouve en conséquence placé dans la même situation que le testateur et peut venir au partage ;
- mais, si l’indivisaire a légué la chose indivise elle-même, il s’agit alors d’un legs conditionnel dont l’efficacité est subordonnée au résultat du partage. Car, si le bien est finalement attribué à un autre indivisaire, le legs doit en principe être considéré comme caduc, faute d’objet. La solution est particulièrement sévère.
Aussi les juges du fond sont-ils souvent enclins à reconnaître l’existence d’une charge imposée aux héritiers de procurer au légataire l’entière propriété du bien.
Me Elisabeth HANOCQ – Avocat au Barreau d’AVIGNON – Cour d’appel de NIMES – Droit des successions